Après l'annonce du cancer, trois semaines durant je suis restée anéantie. Puis les soins, opération et traitements, ont commencé et, conjointement, j'ai retrouvé le chemin de l'atelier.

Les seins, les miens et ceux des autres, sont devenus mon obsession quotidienne. Les opérations pratiquées et les réparations offertes par la médecine ont notamment retenu mon attention, anatomie du sein, glandes, réseaux ganglionnaires, cicatrices, longueur et place, prothèses, artificielles ou naturelles, méthode d'implants, reconstruction des mamelons par greffes ou tatouages. J'ai compris que si le cancer du sein était l'un des moins graves, il était aussi celui qui attaquait cruellement la féminité, l'identité et l'intimité. Cheveux, poitrine étaient en perte, des essentiels. Par delà la santé et la vie à garder absolument, étaient mis à mal l'image et l'estime de soi, le rapport aux autres, la séduction et la sexualité.

J'ai entamé un travail de broderie et j'ai imaginé qu'il pourrait m'accompagner dans les épreuves que j'allais vivre. Idéalement dans la durée. Ainsi je comptais d'octobre 2020 à juin 2021, moment où le traitement de radiothérapie et ses brûlures s'achèveraient. La broderie offrait la possibilité de sutures multiples, et gardait potentiellement un lien avec le « beau », c'était bien, c'était ça.

J'ai acheté des soutien-gorge anciens de couleur chair ou rose qui me serviraient de base, leur matière étant souvent épaisse et solide. Et j'ai pensé travailler l'idée de prothèses mammaires. Ainsi j'ai recouvert les pièces achetées de fils de coton et de laine auxquels j'ai quelquefois ajouté des perles de rocailles . Les bretelles, les attaches initiales, la souplesse des éléments de lingerie ont été préservées pour que les œuvres puissent être portées.