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Supports, thématiques, problématiques majeurs :

  • l'absence des vivants/des morts

  • les « traces », les empreintes, les reliques (objets, vêtements), le reliquaire

  • les processus psychiques, notamment mémoriels et obsessionnels, les mécanismes de reconstruction sur le deuil ou le traumatisme, les voies de l'Inconscient, l'art pointé comme salvateur

  • la "désincarnation", l'incarnation, la réincarnation, le corps

  • le territoire, le cadre géographique réel comme ancrage possible pour la stimulation intime et émotionnelle, comme espace de mise en scène pour rejouer le passé

  • la filiation, les origines, les attaches féminines en particulier (le rapport à la mère), l'histoire familiale affirmée/recomposée/occultée

 

 

 

 

 

Son œuvre se définit globalement comme une exploration de processus psychiques, notamment liés à des « traumas » ou participant aux histoires familiales ou  collectives. Elle s'exprime par une palette large (collage, couture, broderie, volume) où tout projet est d'abord une expérience humaine.  Plus généralement, elle est le témoin de notre rapport à soi et au monde environnant, immédiat et familier ou même plus lointain, questionnant incessamment nos attaches ou nos points de rupture, notre relation à la puissance des énergies vitales mais aussi à la dégradation, à la violence et à la mort.

Le corps en est aussi une thématique privilégiée voire obsessionnelle, apparaissant souvent sous une forme organique et réelle. C'est dans ce creuset épais de la matière où le sang circule ou se répand que l’artiste aime interroger au plus près le sens du vivant mais aussi celui de la création artistique en tant que démarche d'accomplissement absolu. Le vêtement tend alors fréquemment ses tissus à ouvrager, comme enveloppes du corps, prolongements ou parures ; les images, les photographies anciennes, les papiers, les cartons découpés offrent et conjuguent quant à eux bien des histoires particulières et des géographies de la nature.

 

 

mars 2022

 

 

 

Christine Smilovici

Artiste plasticienne autodidacte, vit entre l'Ardèche et Paris.

 

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Expositions récentes/à venir, projets menés, publications

 

2022

- Exposition collective À LA RACINE, Stéphane Blanquet et ses invités, commissariat Stéphane Blanquet et Serge Darpex, dans le cadre du Festival Bande dessinée & Arts associés, 26 mars - 28 mai, La Manufacture - Galerie, Aix-en Provence (13).

2021

- Exposition collective LANIAKEA, drawing session, commissariat Anne Malherbe et Bogdan Pavlovic à La Ruche, cité d'artistes, Paris 15e.

- Exposition collective WINDOWS PROJECT Acte III/ En attendant…, commissariat Cannelle Tanc et Frédéric Vincent, sur les verrières d'Immanence Espace d'Art, Paris 15e.

- Entretien radiophonique, CHRISTINE, SE SOIGNER PAR LA CREATION, pour le Café Simone, avec Alicia Cosculluela, Annonay, (07)

- Publication recherche universitaire L’ART D’INSUFFLER UNE SECONDE VIE AUX PHOTOGRAPHIES DE FAMILLE, sur la série de photomontages Le Roman familial, par Sarah Juilland, Spécialisation en sciences historiques de la culture, Université de Lausanne, printemps 2021.

 

 

2020

- Publication du recueil collectif MÊME LES OISEAUX CHANTENT PENDANT LE CHAOS, Editions de l'épair, sous la direction de Soraya Hocine et de Sandy Berthomieu, né de l'expérience du confinement.

- Rencontre lancement du recueil MÊME LES OISEAUX CHANTENT PENDANT LE CHAOS à Initial Labo, Boulogne Billancourt.

- Entretien radiophonique, LA VIE EST UN ROMAN, 6 octobre 2020, Christine Smilovici, sur Radio Aligre, à l'occasion de la sortie du recueil MÊME LES OISEAUX CHANTENT PENDANT LE CHAOS avec Yves Tenret, Paris 13e.

 

 

2019​

- Publication fanzine OCTOBIT OCTOPUSS, sous la direction de Michel Lascault.

​- Exposition collective AMOURS, commissaire Laurent Quénéhen, Galerie Plateforme, Paris 12e.

​- Exposition personnelle LE ROMAN FAMILIAL, GAC, Groupe d'Art Contemporain, Annonay, (07).

​- Publication LA SQUAW FANZINE, "Images cachées, images devinées" ,  sous la direction de Michel Lascault.

​- Exposition LE HUBLOT D'IVRY, sous la direction de Jean-Philippe Pellissard.

 

 

2018​

- Projet pédagogique/restitution/exposition, LAYE LAIE LAIE, "C'était un effort qui nous maintenait vivants", travail sur des graffitis de prisonniers, Château-Musée de Tournon/Rhône.​

- Publication Editions l'héliotrope. ​

-  Publication dans le N°4 de la revue FEMMES PHOTOGRAPHES, en solidarité pour la lutte contre les violences et agressions sexuelles faites aux femmes dans le monde.​

- Exposition collective SALO VI, salon du dessin érotique, commissaire Laurent Quénéhen, Ménilmontant, Paris 12e.

2017

​- LES PHOTOGRAPHIQUES / Festival de l'image du Mans / exposition au Centre d'Art de Moulinsart .

​- Publication L'OEIL DE LA PHOTOGRAPHIE, mars.​

- CARRE-COLLE, salon du livre / fanzine / graphzine d'artiste, Association Hypergonar, week end du 18-19 mars, Avignon (84).​

- Exposition collective RENCONTRE{S}, Galerie Le Pangolin, Marseille (13).

​- Exposition personnelle, LE ROMAN FAMILIAL, Galerie de la Fontaine obscure, Aix en Provence (13) .

​- Emission LES PETITS MATINS d'Emilie Chaudet, France culture, 09/05/2017.

​- Exposition collective PAPER CUT, Association Hypergonar, Curry Vavart,  Paris 18e .

2016

​- Exposition collective PRINTEMPS DE L'IMAGE ET DE LA PHOTO, GAC d'Annonay (07).

- Publication FISHEYE MAGAZINE mars/avril, N°17, dossier "Photo de famille : réalités et fictions" .

​- Publication PLATEFORM MAGAZINE, août, n°91.

2015  

- Centenaire de la naissance du poète Alain Borne / ouverture du FESTIVAL ITINERANCE[S]. Office du tourisme de  Montélimar (26).

- Portes Ouvertes sur l'Art,  Galerie la Cour des miracles, Tournon/Rhône - LE ROMAN FAMILIAL.

2014  

- Exposition personnelle SUZANNE, La Fabrique de l'Image, Meysse (07).

- "S'approprier le paysage" , ANGLE, espace d'Art contemporain, Saint-Paul-Trois-Châteaux (26).

- Projet pédagogique UN PONT DANS MON PAYSAGE,  Collège Marie Curie Tournon/Rhône (07), .

2013 

- Exposition collective, RENCONTRES DE LA PHOTO, Chabeuil (26)

 et soirée thématique : présentation des séries « La Colline » et « Suzanne », Chabeuil (26), ouverture  psychanalytique  avec Lydia Coessens, philosophe et professeur   relais auprès de la Galerie d'Art du Théâtre de Privas, (07).

- Exposition personnelle LA COLLINE, L'Antre-Autre, chez Maguelone, café galerie lieu de rencontres créatives, Lyon (1er ar.).

- Projet pédagogique LA FIN DU PETROLE en partenariat avec le photographe Tristan Zilberman , expositions plurielles du photographe et des élèves - Collège Marie-Curie Tournon/Rhône (07), .

 

 

 

Articles

Extrait de L’ART D’INSUFFLER UNE SECONDE VIE AUX PHOTOGRAPHIES DE FAMILLE par Sarah Juilland,
recherche universitaire, Spécialisation en sciences historiques de la culture, Université de Lausanne, printemps 2021.


Creusant les problématiques de l’absence, des traces, de l’histoire familiale, de la reconstruction et plaçant « l’expérience humaine 79 » au cœur de son art, Christine Smilovici s’attache naturellement aux anciennes photographies de famille, qui lui servent de supports matériels et fantasmatiques. Elle compose Le Roman familial – clin d’œil à la théorie freudienne – autour de clichés personnels ou anonymes et voit, dans les personnages indéterminés et les scènes mystérieuses, la possibilité de « construire un nouveau théâtre 80 ». Christine Smilovici, comme Justine Lévy, exploite la puissance narrative des images mais, en tant qu’artiste plasticienne, s’exprime au moyen de matières et de techniques variées, alliant le plus souvent photographie, collage et couture. Dans Le Roman familial, elle suggère le destin des êtres perdus en intervenant directement sur la matérialité des photographies ou en ajoutant des pièces extérieures rappelant la vie courante, telles que tissus domestiques, napperons, poils de chat, papiers à cigarettes, faux cils, fleurs artificielles, vêtements. Si l’artiste adopte une démarche de construction de soi et invente des figures qui l’aident à vivre 81, son œuvre est, plutôt qu’une entreprise de résilience pure, une main tendue vers l’altérité : « Mon but n’est pas de parler de moi mais de communiquer, par mon travail, avec les gens ; qu’ils puissent voir en eux des résonances universelles 82 ». L’image photographique, dont la « spécificité est de rendre collectif un sentiment en principe individuel 83 », opère comme un point de jonction entre le particulier et l’universel. Doués d’un pouvoir de rayonnement 84, les morceaux de vie et les portraits photographiques abandonnés continuent d’échauffer les cœurs, ainsi que le confie Christine Smilovici : « Ce qui me plaisait était que je ressentais de belles émotions en regardant toutes ces photographies familiales. Il en émanait beaucoup de simplicité touchante et de sincérité des instants 85 ». La photographie, en particulier de famille, « suscite un mécanisme mémoriel mélancolique sans fondement psychique individuel 86 » et installe une forme de communication entre la personne figée sur la pellicule et celle qui, des années plus tard, l’observe et la manipule. [...] Dans ses créations, Christine Smilovici privilégie les matières textiles car, touchant les corps, elles sont « directement porteuses de mémoire personnelle 88 » et peuvent tenir lieu de reliques. En tant que « surfaces d’impression d’un contact physique 89 », étoffes et vêtements se transforment quelquefois en supports indiciels, ainsi que l’explique l’artiste, faisant signe vers une existence passée : « Le vêtement à “histoires” peut […] devenir un symbole précieux d’attachement à une présence devenue impalpable 90 ». Si la photographie – « image-relique 91 » pourvue d’une force de transmission – se présente d’abord comme l’empreinte d’un référent, elle en est aussi l’émanation et, selon Roland Barthes, établit une connexion physique avec le regardeur : « […] la photo de l’être disparu vient me toucher comme les rayons différés d’une étoile. Une sorte de lien ombilical relie le corps de la chose photographiée à mon regard […]92 ». Manifestant une réalité quasi organique, l’image photographique « participe de la vie, de l’inscription dans le flux de l’existence 93 » et, pour cette raison, provoque continuellement l’émotion ainsi que le « sentiment de présence 94 ». Christine Smilovici, animée par la volonté d’aller à la rencontre de l’Autre, manie la matérialité vivante des photographies dans le dessein de nouer une relation avec les figures disparues. Christine Ulivucci souligne précisément l’importance de la perception haptique, expliquant que « [t]els des fragments du réel refaisant surface, les images permettent de reprendre contact avec un monde englouti […]95 ». Grâce au médium photographique, l’artiste interagit avec les êtres qu’elle découpe, déchire, masque ou macule d’encres colorées afin d’inventer des légendes, de répondre par un discours artistique et, à son tour, d’y « apporter son empreinte digitale, visuelle, écrite 96 ». Si Christine Smilovici malmène un peu les photographies, cette « matière finalement indifférente qu’on n’a pas peur de racornir 97 » selon Hervé Guibert, elle nourrit avant tout une intention poétique de reconstruction. L’image photographique, loin d’être exclusivement « cette chose figée, cette gardienne d’un temps immuable et nostalgique 98 », continue d’évoluer à travers l’art qui la sublime, « [c]ar l’image n’existe pas uniquement par le regard porté jadis par l’ancêtre photographe, elle vit tout autant par celui que nous portons sur elle aujourd’hui 99 ».

79 Rubrique « À propos/articles » sur le site de l’artiste, consulté le 05.03.2021.
80 Présentation du projet Le Roman familial, rubrique « Compositions photo/collage » sur le site de l’artiste, consulté le 05.03.2021.
81 Cette partie du travail s’inspire d’un échange téléphonique avec l’artiste, réalisé le 17 décembre 2020.
82 Christine Smilovici citée par Hélène de Montgolfier.
83 Marta Caraion, Comment la littérature pense les objets : théorie littéraire de la culture matérielle, p. 363.
84 Ibid., p. 364.
85 Christine Smilovici citée par Gwénaëlle Fliti [et al.], « Photo de famille : réalités et fictions », Fisheye Magazine, op. cit., p. 38.
86 Marta Caraion, Comment la littérature pense les objets : théorie littéraire de la culture matérielle, op. cit., p. 365.
88 Christine Smilovici citée par Jean-Paul Gavard-Perret.
89 Marta Caraion, Comment la littérature pense les objets : théorie littéraire de la culture matérielle, op. cit., p. 333.
90 Rubrique « À propos/articles » sur le site de l’artiste, consulté le 09.03.2021.
91 Marta Caraion, Comment la littérature pense les objets : théorie littéraire de la culture matérielle, op. cit., p. 366.
92 Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, op. cit., p. 126-127.
93 Christine Ulivucci, Ces photos qui nous parlent. Une relecture de la mémoire familiale, op. cit., p. 18.
94 Ibid., p. 17. 95 Ibid., p. 36.
96 Christine Ulivucci, Ces photos qui nous parlent. Une relecture de la mémoire familiale, op. cit., p. 37.
97 Hervé Guibert, L’Image fantôme, op. cit., p. 29.
98 Christine Ulivucci, Ces photos qui nous parlent. Une relecture de la mémoire familiale, op. cit., p. 18. 99 Ibid., p. 37.


 

Faire le jour sur sa propre histoire : "Le roman familial" de Christine Smilovici

C’est un discours que l’on retravaille, des images que l’on choisit de montrer autrement. Sous un jour qui nous arrange. Ne pas trop regarder ce qui a été. S’inventer sa propre histoire, ses propres légendes photographiques. Ecrire contre soi, contre sa propre histoire. Se réinventer comme pour se venger. De soi même, de tous ceux qui nous ont toujours entouré. De tout ceux qui nous ont appris ce que nous sommes. Faire une tâche, renverser de la couleur, enrayer, éroder la surface du souvenir.













Christine Smilovici collecte des photos de couples, de familles, des portraits issus de ses propres albums. Il y a aussi dans ces photos, des images qui ont appartenu à des inconnus. Elle les mélange et réécrit son histoire, réécrit son identité. Elle les tord, les déchire, les colore cache des visages. Cette photo de couple qui danse est déchirée au milieu, une cassure qui vient séparer les deux danseurs, et qui raconte du coup, une autre histoire. Une gravité, une mélancolie, qui vient mettre un coup d’arrêt à la fête. Il y a aussi des visages choisis, recouverts de gaze ou de dentelle. Des identités devenues invisibles, des corps fondus dans des auréoles de couleurs. Des cachettes graphiques pour se protéger du regard de l’autre. Un "roman familial" que l’on peut voir jusqu’au 27 mai à la galerie de la Fontaine obscure à Aix-en-provence. Coller, recoller des morceaux, même si ce ne sont pas les bons. Un mensonge biographique, mais fait de moments de vérité. De visages et des émotions qui ont vraiment existé et qui, dans cette face B du roman de famille, se raconteront toujours avec les mêmes mots.
 
Emilie Chaudet, Les Petits matins de France culture, 09/05/2017.






 

Faire naître un terrain pour sa propre version. C’est une photo qui doit être vieille de 30, 40 ans peut-être. L’une de celle que l’on doit trouver entreposée entre deux pages d’un album familial, sans protection, sans logique, comme un hasard dans la chronologie de l’album. Elle pourrait bien se perdre, l’histoire pourrait être racontée sans elle. C’est une de ses photos là. Mal cadrée, on voit à peine les visages un peu coupés. Un couple d’une cinquantaine d’années, danse une sorte de valse dans un salon aux rideaux verts. Près d’une table de repas, la posture maladroite du couple, à la fois amusé et embarrassé, laisse supposer que cet instant de danse est de l’ordre du coup de tête. Du défi peut-être. Une musique se fait entendre et on y va. On offre ce spectacle conjugal, juste ce qu’il faut de grotesque, aux invités, parce qu’il y a un bonheur particulier à être là, et qui permet justement cela. L’homme n’a d’yeux que pour le visage de sa femme, qui elle, regarde l’objectif soucieuse de l’image qu’il pourrait en rester. Une sorte de scène parentale heureuse, qui nous replonge dans un état enfantin, entre le plaisir et la honte de voir ses parents sortir de leur rôle.

Christine Smilovici : traces et mystères — entretien avec l’artiste

 

Les pho­to­gra­phies de Chris­tine Smi­lo­vici établissent une sorte de voix dans le silence. Entre force et fra­gi­lité, les œuvres deviennent les épures d’une rêveuse insom­niaque mais qui ne manque jamais de luci­dité. Des cou­rants d’air peuvent bien faire bou­ger les rideaux : l’œuvre garde jusque dans sa masse grêle une décom­po­si­tion sub­tile en se frot­tant à la lumière. Ce tra­vail joue tou­jours sur les équi­libres et les dés­équi­libres, sur la trace cré­pus­cu­laire et la perte des repères. 
L’artiste fait décou­vrir un mode presque solip­siste d’existence. Smi­lo­vici en éprouve le poids là où tout demeure pulsé mais où tout semble sur le point de s’affaisser. Le tra­vail plas­tique pro­cure une angoisse et un ver­tige sur un dur oreiller pour la mémoire la plus pro­fonde. Il joue « de » la pré­sence pour une forme de retour ou sa digression.

 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je me lève très tôt, avec le jour… Oui, je peux dire que le jour me fait lever le matin et l’idée que les autres dorment encore.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont encore là et conduisent mon intui­tion et ma pensée.

A quoi avez-vous renoncé ?
A un monde parfait.

D’où venez-vous ?
Je cherche à le savoir. Je ne suis pas sûre de pou­voir vous répondre un jour.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le goût de la nature et la capa­cité d’observer. De l’empathie.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Le plai­sir régu­lier de la conscience de vivre. C’est donc un grand plaisir.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
A vous de me le dire. :)

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
L’image de ma mère asso­ciée à l’expression de son visage, au son de sa voix, nous étions dans la rue, j’avais trois ans, elle s’est pen­chée sur moi pour s’assurer que tout allait bien. Je garde en moi cet ins­tant fugace et essen­tiel. Je pense qu’il a réel­le­ment existé.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Can­dide, le sens et la forme ! L’horreur humaine, l’absurdité du monde et de sys­tèmes ins­tau­rés, l’ironie du verbe. Plus tard, vers vingt ans, il y a eu Giono, avec notam­ment Un Roi sans diver­tis­se­ment et la ques­tion de l’ennui exis­ten­tiel. J’ai beau­coup aimé Colette égale­ment, je trou­vais dans son œuvre ter­rienne des cor­res­pon­dances avec ma concep­tion du monde.

Com­ment définiriez-vous votre approche de la fémi­nité ?
Je me sens proche des manières de pen­ser des fémi­nistes des années 70. Je reste récep­tive, sans pen­ser qu’ils sont dépas­sés, aux tra­vaux d’artistes comme ceux de Valie Export ou d’Hannah Wilke. Si le corps de la femme s’expose, il est impor­tant qu’il pro­pose d’autres règles et d’autres images que celles régies par les hommes. Quitte à pas­ser par une cer­taine radi­ca­lité. Une des pre­mières néces­si­tés pour une femme est de res­ter maî­tresse de son corps et d’exercer son esprit cri­tique à l’encontre de sa société qui, 50 ans après les com­bats du MLF en France, conti­nue à pro­po­ser des sché­mas cultu­rels oppres­sifs ou en réin­ventent (extré­mismes reli­gieux, cer­tains aspects de la culture porn).

Quelles musiques écoutez-vous ?
Celles qui m’éloignent du brou­haha humain. Quoique altruiste, je suis aussi pas­sa­ble­ment sauvage.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’hésite entre Pré­vert, Michaux, Cen­drars et Laforgue. Je raf­fole de la poé­sie, des des­sins qu’elle imprime sur le monde, de sa ten­dresse, de sa gra­vité, de l’espace nou­veau qu’elle construit (un espace inter­mé­diaire) et dans lequel on peut nicher.

Quel film vous fait pleu­rer ?
La scène finale d’Au Revoir les enfants de Louis Malle.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un qui passe.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ose mais je n’ai pas tou­jours envie d’oser.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les espaces où je ne vis plus.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Par l’exploitation et la subli­ma­tion des thèmes de la mémoire fami­liale et par l’ancrage dans un ter­ri­toire réel mais deve­nant méta­pho­rique, je vois des points de conver­gence avec la pho­to­graphe Marine Lanier. Ma série La Col­line, gros tra­vail sur un fait divers sor­dide (l’assassinat d’une jeune fille) me rap­proche, je crois, de Per­rine Lamy-Quique (enquête de mémoire col­lec­tive sur la dis­pa­ri­tion d’enfants dans l’effondrement d’une mon­tagne, 71 car­rés noirs).
Sinon, je me sens être une « fille » modeste de Louise Bour­geois, par l’affirmation que l’Art exprime et dépasse les bles­sures fami­liales, que par le ter­reau psy­chique il s’élève. De plus, j’aime comme elle les matières direc­te­ment por­teuses de mémoire per­son­nelle : les vête­ments, les tis­sus domestiques. Enfin, j’ai retenu de Sophie Calle l’intérêt d’entreprises artis­tiques fon­dées sur des rituels. Et un de mes der­niers tra­vaux, Marion X7, réac­tive les pro­ces­sus de la fila­ture et du voyeurisme.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
La pro­messe que mes œuvres sau­ront par­ler aux gens, les tou­cher, qu’elles construi­ront avec eux une « connivence ».

Que défendez-vous ?
La cause ani­male. Je ne suis pas contre la consom­ma­tion car­née, mais avec de la mesure ! Je refuse d’être le jouet de grands groupes qui construisent des besoins lucra­tifs pour me faire consom­mer. Sur­tout quand l’objet de la consom­ma­tion concerne des êtres sen­sibles. Les scan­dales actuels de mal­trai­tance dans les cir­cuits d’élevage ou dans les abat­toirs me révoltent. L’abattage peut se faire pro­pre­ment, sauf qu’à cause de la sur­con­som­ma­tion nous ne nous en don­nons plus le temps ni les moyens. Qui sommes-nous devenus ?

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je com­prends pre­miè­re­ment que l’Amour est dis­cré­dité : il est ren­voyé à une impos­si­bi­lité. Impos­si­bi­lité du don , impos­si­bi­lité du rece­voir. Nous ne sommes pas loin de quelque chose de tra­gique parce que toute ten­ta­tive de nous-mêmes à aimer semble auto­ma­ti­que­ment vouée à l’échec et à la mort, comme diri­gée par une loi supé­rieure ou sou­ter­raine. Ensuite je me dis que l’Amour peut être dési­gné comme un pro­ces­sus com­plexe mais pos­sible. La pos­si­bi­lité amou­reuse doit émer­ger quand je par­viens à don­ner à l’autre « rien », c’est-à-dire quelque chose de dés­in­té­ressé, au-delà de moi-même. Et l’autre, qui ne « veut pas », est celui qui n’attend « rien », autre­ment dit, il est lui aussi dés­in­té­ressé. Sur les dés­in­té­rêts, sur l’absence de manœuvres ou de cal­culs incons­cients peut alors com­men­cer à exis­ter le vrai Amour.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Cette phrase signale, pour moi, une incom­mu­ni­ca­bi­lité. Les êtres com­mu­niquent en grande par­tie par le lan­gage ver­bal, ils parlent mais ne s’écoutent pas tou­jours. D’où une situa­tion absurde trans­crite d’une manière drôle par cette réplique elle-même assise sur du non-sens.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Pour­quoi dire avec des mots ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par Jean-Paul Gavard-Perret pour lelitteraire.com,08/05/2016.

Christine Smilovici : tout ce qui reste

 

De manière ironique ou plus grave, Christine Smilovici est l’artiste des traces. Chaque série devient un chapitre d’enquêtes filées entre magasin de curiosité, palais des glaces et lieux d’absence. Surgit la force jusque dans la ténuité de certaines images.

 

Face aux espaces visuels proposés par l’artiste le regardeur est livré soit à l’errance, soit à la voyance puisqu’il doit reconstruire les narrations demeurées en souffrance ou énigmatiques au sein d’éléments parfois épars d'un « troupeau » ou d’un couple humain disséminé dans lacrainte que la « vie s'inscrive en creux dans la masse du temps qui va continuer sa course » ou dans la certitude que la bouche n’embrasera plus l’être aimé.

 

Christine Smilovici crée un mode presque « solipsiste » d'existences. Chaque œuvre est "borderline" en divers jeux d’évocations sur lesquels l’artiste est capable de mettre des mots. Les corps ont parfois disparus mais les images (photographies, dessins, duplicatas, empreintes, etc.) créent une attente ou la manière mystérieuse d’en faire éprouver le poids.

 

Les œuvres constituent des gouttes allongées et pulsées là où paradoxalement tout semble sur le point de s'affaisser par effet d’absence ou en une succession d'imbrications et d'empiètements.  Chaque pièce possède un appel particulier en une suite d'extensions réglées et mesurées. Sous la tranquillité trompeuse et nonchalante surgissent bien des innovations. Elles procurent une angoisse et un vertige.

 

Jean-Paul Gavard-Perretle Salon littéraire, mars 2016.

 

 

Christine Smilovici: recoudre le temps

 

Très récemment, j’ai rencontré Christine Smilovici et son travail à la fois encore tout jeune et nourri par la passion … C’est avec joie que j’ai écrit à son sujet, dans le désir de saisir tous les fils qui, d’une série à l’autre, s’y trament.

 

Il faut se tenir le plus près possible des feuillets sur lesquels les inscriptions s’accumulent pour comprendre de quoi il s’agit. Ce sont des tampons postaux — « décédé », « retour à l’envoyeur », « non réclamé » — indéfiniment, rageusement même, apposés les uns après les autres. Il faut que l’artiste, Christine Smilovici, les accumule jusqu’à l’épuisement et nous fasse mettre le nez dessus, pour qu’on accepte peut-être de regarder ce qu’on ne veut pas voir, ni savoir, ces points obscurs au milieu des choses qu’on traite comme si de rien n’était, l’absence, le silence, la mort. Et pourtant, ces tampons, tant de fois imprimés sur le papier, devraient nous crever les yeux. Mais il faut respecter les surfaces lisses, laisser les eaux se refermer, enfouir les secrets.

 

Les dessins de la série Le Secret sont saturés : saturée, la tapisserie couverte de fleurs roses, saturés le bleu du ciel, la prairie épaisse et la haie. Exécutés d’après des photographies anciennes venues du père de l’artiste, ces dessins suggèrent, en l’asphyxiant, un secret d’enfance devenu, au fil des années, mutisme et douleur. Le travail de patience qui préside au remplissage de chaque feuille s’inscrit dans le temps nécessaire pour circonvenir ce secret et l’entendre murmurer ses sons inarticulés dans les silhouettes noires et blanches.

 

Dans les cas où les secrets sont à jamais perdus, lorsque les êtres sont des inconnus, lorsqu’ils sont morts, l’artiste imagine le destin des êtres, et cela donne lieu à la série Le Roman familial : des interventions sur des photographies d’autrefois (déchirures, collages, masquages, taches de couleur, fleurs factices, cheveux) indiquent ce qu’a dû être l’histoire de ces personnes. Dans certains cas, des bouts d’étoffe font presque figure de pansements. On s’interroge, on s’amuse à deviner le sens caché : l’humour qui en émane a le pouvoir d’un onguent.

 

Le temps est la source à laquelle le travail de Christine Smilovici puise sa puissance. Il a fallu, pour réaliser la série de photographies La Colline, venir à plusieurs reprises sur les lieux du drame, à Tournon-sur-Rhône, là où, en 2011, une jeune fille a été sauvagement assassinée. La série se compose de fragments : un bout de champ, l’extrait d’une carte IGN, des pieds qui arpentent, des bras qui enserrent, des silhouettes solitaires. La conscience, morceau par morceau, pèlerinage après pèlerinage, se ressaisit et trouve sa réparation.

 

Comme les fileuses, jadis, mesuraient le temps du mouvement de leur fuseau, l’artiste se sert du temps pour recoudre les béances. Enfant, elle regardait la collection de poupées interdite, les figurines folkloriques que sa grand-mère alignait sur l’étagère et qu’elle ne pouvait toucher qu’avec les yeux. Il lui a fallu attendre que le temps passe. Ensuite, elle a pu les prendre dans ses mains, défaire leurs robes, les déshabiller, voir ce qu’en dessous elles avaient de si étrange, de monstrueux peut-être, d’effacé, d’asexué, ces traces de vêtements laissées comme des cicatrices. Et puis elle a recousu les robes entre elles, elles les a façonnées et en a fait comme un tapis d’orient, un objet baroque, une parure d’idole. Elle a élaboré une sculpture unifiée de cette collection incongrue.

 

A chaque fois, il faut se remettre à l’ouvrage et empêcher que les béances ne se referment avant que les blessures aient pu être nettoyées en profondeur. L’artiste accompagne certains moments de sa vie de dessins spontanés, colorés et denses en matière, dessins qui semblent rompre avec le reste de son travail, plus conceptuel — mais il ne s’agit en rien de rupture. Oiseaux, chien, chat, entrailles : ils sont l’envers palpitant de la peur, de la douleur et du froid, du secret et de l’absence. Au cœur de la blessure même, se concentre une chaleur vibrante. Ainsi ce chevreuil irréel aux yeux bleus, tracé au milieu d’un rouge de sang. Ayant cru, une nuit, heurter l’animal avec sa voiture, l’artiste avait fini un peu plus loin dans le fossé… Au lieu de la dépouille de la bête, elle s’était retrouvée face au calme absolu de la campagne et à la conscience tremblante de sa propre survie.

 

Anne Malherbeoctobre 2015.

Site d'Anne Malherbe

 

 

Christine Smilovici, chercheur-photographe

 

        Le propre de tout art est d’émouvoir. Or, il a parfois la grâce, rare, de toucher au point de bouleverser. Le travail de Christine Smilovici a cette force, ce pouvoir. Il s’expose, en partie, le temps des « Rencontres Photographiques de Chabeuil ». A travers lui, le drame de Tournon.


 

Ports d’attache

 

        L’Ardèche est « terre de lumière et de relief ». Raisons suffisantes, essentielles, pour s’y attacher,  jeter l’ancre sur l’aridité de son sol rocailleux. La demeure de pierres, le vaste jardin paysagé, repensés par une âme d’artiste, domptés par des mains expertes et aimantes, témoignent d’un attachement à la terre que l’on devine viscéral. « Ce goût  pour  les espaces naturels, pour la vie végétale et animale, je le dois à ma grand-mère maternelle » , Suzanne, figure tutélaire défunte, dont le deuil se prolonge par l’activité artistique de la série éponyme.  Le premier volet, «L’ Ajonc », se construit autour de la filiation et conduit à son affirmation-acceptation. Fille, petite-fille, arrière-petite-fille, tour à tour « dé-multiplient » la figure de l’aïeule, qui parle à travers elles, ses héritières, maillons uniques d’une même chaîne. La ferme en Touraine, dans l’ombre discrète et lointaine d’Azay-le-Rideau,  le chandail de mailles jaunes « on le porte, on le réincarne, on prête son corps à la personne à laquelle il a appartenu, à laquelle on pense » sont au cœur de la matrice dont le creux s’inscrit jusque dans les détails des paysages rencontrés à la faveur de promenades-boucles, deux fois l’an. Se révèle, dans le langage de la nature (sillons de terre, ronde des arbres, étaux d’une flaque), pour qui sait regarder, l’emprunte originelle.

Naissance des cycles

         Les mots « travail » et « expérimental » ponctuent de façon récurrente le discours qui accompagne la présentation des clichés. La période des débuts, « de la photographie à-tout-va », est dépassée. S’ouvre l’ère nouvelle d’une dimension conceptuelle qui s’inscrit avec force dans l’œuvre « la création est impossible sans élan profond, sans histoire à dire, sans blessures à cicatriser. » Une impétuosité, éminemment sérieuse, qui force le respect. Une soif créative qui s’accompagne de recherches et de compilations qui ne se bornent pas exclusivement à la photo : « je dessine, je peins, ’utilise de la peinture plus exactement, je ne peins pas  […] J’aime tenter le mélange de techniques antinomiques : associer encres, peintures, pastels secs et gras  »» et qui autorise à mener de front plusieurs projets. Christine Smilovici désire provoquer l’écho, chahuter l’émotivité, échanger des ressentis « le but n’est pas de parler de moi mais de communiquer, par mon travail, avec les gens ; qu’ils puissent voir en eux des résonances universelles ». Cela passera par des explorations thématiques articulées autour de cycles attachés à des invariantes spatiales telle la carte, point de départ de toute balade, ou temporelle telle la soumission au calendrier.

De Sophie Calle, elle reçoit la leçon des « rituels », appliquée dans l’ensemble des projets photographiques récents. Dans « Les Jours filés»(2012) sont enregistres trois clichés quotidiens, pendant un an. Etude de variations des formes et des couleurs qui interrogent l’apparence, la notion d’identité corporelle sans tricherie. L’esthétique n’intervient  qu’à posteriori, lors de l’affichage sur le blog. Dans l’œuvre de Christine, le beau n’est jamais une fin en soi. Mais, en parallèle aux « Jours filés », s’élabore aussi, avec l’évidence, le projet : « La Colline »(2011-12).

 

Affronter l'insoutenable

 

      La colline. Espace souillé par l’atrocité d’une mort jeune. Désirée. Violentée. Mutilée. Brûlée. Dissimulée. Trouvée. Pour les proches et les moins proches c’est le chaos. Il faut vivre avec. Occulter ou « affronter le monstre ». Christine se lance sur  le difficile parcours d’un deuil et d’un tourment « à la fois individuels et collectifs » pour tenter de dépasser la souffrance, de « constituer par l’artifice » comme l’écrivait Pérec. Elle met en scène sa propre famille qui adhère au projet, portée par l’idée d’élargir la question à d’autres qu’à soi « la souffrance appartient à tous, pas seulement à moi ; elle appartient à d’autres personnes, reliées par une histoire commune ». Elle définit les règles du jeu, organise ses rituels photographiques: la symbolique de la carte de randonnée où s’encrent des points, termes de déplacements imposés, la limitation dans le temps, l’usage de symboles en lien avec l’histoire.

         Ce travail expérimental est parvenu à son terme. Les quatorze points sur la carte tendent tous vers le Nord, mais ne vont pas au-delà d’une certaine limite. Le lieu même se tient à distance : « la série montre les limites du fonctionnement artistique ; le travail est terminé mais il a ses failles [..] des choses ne sont pas résolues ». Le travail continue et c’est par une autre démarche artistique, la vidéo, que Christine parviendra, progressivement, à réinvestir la partie Nord. Mais elle admet que l’ensemble des quatorze clichés est cohérent, que les codes sont lisibles, que la série réaffirme le droit de la vie sur la mort. Elle refuse le sensationnel, accueille/reçoit la beauté des lieux sans la rechercher. Pudique et grave, transcendée, la série « La Colline », à l’instar de l’histoire, bouleverse…

 

Hélène de Montgolfier, JTT, 19/09/2013.

 

L'art comme barrière contre l'innommable

 

 

       Mercredi soir, au centre culturel de Chabeuil, une soirée thématique était proposée dans le cadre des 13ème rencontres photographiques de Chabeuil autour de l'exposition de Christine Smilovici, artiste-photographe, habitant le hameau de Pierres sur la colline tournonaise.

        La soirée était animée par Lydia Coessens, professeur de philosophie et psychanalyste sur le thème : « Le beau comme barrière contre le terrible ».

         La série photographique de Christine Smilovici, « La Colline », raconte le difficile parcours de deuils individuel et collectif suite à l'assassinat sauvage d'une jeune voisine lors de sa course quotidienne le 18 juin 2011 « dans des paysages qui ont été les siens et qui doivent être encore les nôtres.

Point de sensationnel, mais une oeuvre artistique élaborée, une réflexion morale allant de l'innommable au triomphe de la vie, de la nature et des hommes qui continuent à y vivre.

 

Symbolisation et résilience

 

         « L'artiste s'empare de ce qu'elle a vécu d'insupportable par la symbolisation et l'offre aux autres. D'un fait divers, Christine touche à l'universel », expliquait la philosophe. « Christine Smilovici a repris les chemins profanés pour se réapproprier les lieux. La colline, endroit de sérénité, de marches apaisantes, était devenue un lieu de dévastation par la mort de cet enfant.

L'art, quand on est confronté à la violence ou à l'insupportable, est une réponse à ce qui peut nous tuer psychologiquement, une sorte de protection contre le terrible, l'éclatement de soi, la destruction », analysait Lydia Coessens.

         Les photographies de Christine Smilovici sont une réhumanisation de la colline, un retour à la vie, « à l'heureux silence retrouvé ».

         L'artiste pousse le spectateur à se (ré)interroger sur ce qui s'est passé et l'aide au fil de ce parcours à dépasser l'horreur.

 

 

 Le Dauphiné libéré, 13/09/2013.

 

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